Maintien de l’ordre

Dans leur ensemble, le rôle des services de police consiste principalement à assurer l’observation des dispositions légales et réglementaires, ayant pour objet des mesures de police. Mais, pour accomplir sa mission la police se divise en police administrative, police judiciaire et police d’ordre.

Souvent, les mêmes agents endossent cumulativement des fonctions de police administrative, police judiciaire (au sens large) et de police d’ordre.

Tel est le cas du gendarme qui règle la circulation ou procède à un contrôle d’un débit de boissons (police administrative) et qui constate et dénonce une infraction à la LCR (police judiciaire). Il existe donc un lien étroit entre les tâches respectives dévolues à la police d’ordre, à la police administrative et à la police judiciaire. L’activité de l’une commence dès que celle de l’autre s’avère insuffisamment remplie. Elles contribuent toutes trois à réaliser le but fondamental qui est assigné à la police, mais par des voies différentes. La polyvalence de notre métier nous oblige à agir de plus en plus souvent afin de rétablir l’ordre. Dès lors, parlons-en.

Faire un historique du maintien de l’ordre est très difficile. Le premier indice nous est révélé par une photo de deux gendarmes à cheval, équipés d’une longue matraque. Selon nos aînés interrogés sur l’histoire de cette police montée, cette section devait être composée d’une quinzaine d’hommes. Les chevaux étaient prêtés par le directeur du manège de La Sallaz.

Dans son hommage au commandant Ernest Champod, lors de son décès, le lieutenant-colonel Cornaz fait état de la création de la Gendarmerie montée sous l’initiative de son prédécesseur. Cependant, l’absence d’ordres de service à ce sujet ne permet pas d’être certain de la période durant laquelle la Gendarmerie vaudoise utilisait un tel détachement. De nombreuses recherches ont dès lors été effectuées dans les livres de comptes de la Gendarmerie, afin d’établir avec certitude l’existence de ce détachement.

 

G8 à Evian en 2003

Du 1er au 4 juin 2003, la France organisa le Sommet d’Evian, ou G8. Par la localisation géographique de cette rencontre et le séjour des délégations sur sol vaudois, notre canton fut impliqué de facto pour collaborer avec la France à la sécurité de ce sommet. Si 264 gendarmes furent versés au maintien de l’ordre, l’effectif complet fut équipé le cas échéant. Mais au vu des contestations lors de précédents sommets, ce nombre était insuffisant. La Gendarmerie fut renforcée par 190 agents de la police de Lausanne, de 460 policiers confédérés, et d’un détachement de 106 policiers allemands équipés de moyens lourds d’une grande efficacité (canons à eau). En outre, des détachements genevois et valaisans sont venus prêter main-forte, à Lausanne, lors des manifestations du 29 mai et du 1er juin.

Au gré du temps, les techniques ont évolué, le matériel s’est modernisé, mais ceci avant tout, pour répondre à l’évolution des mentalités de notre société. Si en 1958, les gendarmes prenaient leur mousqueton pour «partir à la guerre», s’ils disposaient d’une matraque et d’un bouclier en osier durant «Lôzanne Bouge», aujourd’hui, il est impératif d’apporter une réponse graduée à toute «expression démocratique». Depuis longtemps, le mousqueton a été rangé au râtelier (démilitarisation du maintien de l’ordre).

Ces techniques de maintien de l’ordre nécessitent un apprentissage de plus en plus complet. Des cours de formation sont mis sur pied pour les cantons romands (GMO / Groupement du maintien de l’ordre romand VS-NE-JU-VD-GE-FR). L’appel ponctuel à l’entraide confédérale oblige également à une unité de doctrine en vigueur pour toutes les polices suisses. Actuellement, la difficulté provient de la confusion que peuvent générer ces cortèges pacifiques dans lesquels s’immiscent des groupuscules violents qui, cherchant la confrontation avec les forces de police, commettent des actes de vandalisme. «O tempora! o mores!» déclamait Cicéron.

Les souvenirs du Sommet d’Evian resteront encore longtemps en mémoire. La mondialisation économique engendrera l’européanisation du maintien de l’ordre. Toute manifestation peut basculer en quelques minutes. Les responsables de la conduite s’instruisent des succès et des échecs à l’extérieur de nos frontières (Seattle, Vancouver, Prague, Göteborg, Nice, Gênes). En 2001, lors du Sommet des Amériques, les Canadiens ont réalisé un travail d’investigation sans précédent sur la «nébuleuse antimondialisation», enquêtant à travers le monde. Grâce à cela, ils ont su communiquer avec les manifestants et faire le tri entre casseurs et pacifistes.

Quel que soit le pays, les manifestants ne sont pas homogènes. Ils se divisent en plusieurs catégories. Le manifestant qui demande l’autorisation de défiler et ne casse rien. Le pacifiste moins commode, l’adepte de la désobéissance civile et du sitting entravant délibérément les cérémonies officielles. Mais c’est en marge de ces groupes majoritaires que sévissent les «catégories dangereuses»: les casseurs d’abord, pour lesquels la manifestation sert d’alibi; les «black blocs» ensuite, groupes constitués d’autonomistes et d’anarchistes, de mieux en mieux équipés.


Face à la foule, la police doit faire preuve de discernement. Dans sa doctrine d’engagement pour le Sommet d’Evian, le Conseil d’Etat parle de principes de légalité, d’opportunité et de proportionnalité. Dans ces principes, tenter d’interpeller des casseurs quand ils se trouvent au milieu de la foule est une erreur qui risque de faire basculer la manif tout entière. L’uniformisation des règles doit se faire non seulement entre cantons, mais aussi entre pays voisins, telle l’interdiction de porter des cagoules et les masques. Le fait de se cacher le visage est déjà synonyme de mauvaises intentions.

C’est bien avant que le maintien de l’ordre se gagne ou se perd: lors de l’évaluation des risques et de l’interpellation éventuelle, dans leurs pays, des fauteurs de troubles. Mais au-delà de la recherche du renseignement à l’échelon international, l’entraide de corps de police hors de nos frontières n’est plus une simple utopie, mais entre dans une analyse du maintien de l’ordre beaucoup plus vaste, qui fait son chemin dans une Europe plus solidaire.